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Comme promis dans le billet précédent, voici mon avis d’après visionnage du dernier film de Clint Eastwood : “Lettres d’Iwo Jima”. Ciné Cités Les Halles, 19h30, salle 1 pleine à craquée.
1945. La guerre fait rage dans le Pacifique. L’armée impériale japonaise paraît bien décidée à ne pas concéder de terrain aux américains malgré les désastres militaires qui s’accumulent. Le Japon a perdu les îles Mariannes, lesquelles servent de rempart de lancement à l’aviation américaine pour de grandes opérations de bombardement sur le pays. L’invasion d’Okinawa ne pouvant commencer avant 8 semaines, l’Etat Major américain porte son intérêt sur l’île d’Iwo Jima. L’opération fut connue sous le nom de code “Detachment”. L’île avait une garnison de 22 000 soldats japonais à l’arrivée sur le terrain du Général Tadamichi Kuribayashi (Ken Watanabe), en remplacement d’un autre Général qui avait décliné l’affectation (!). Celui-ci décide de faire cesser les travaux de tranchées sur la plage, jugeant que ses troupes ne pourraient de toute manière pas défendre le littoral face à la puissance de feu de l’ennmi, et lance la construction d’un vaste réseau sous-terrain. Le but était d’infliger des pertes aussi sévères que possible aux Alliés et ainsi les décourager d’envahir les îles principales. Héroïques jusqu’à la folie suicidaire, les 22000 nippons devront faire face à 70000 Marines… Les batailles seront sanglantes et les pertes nombreuses. 21000 côté japonais, 7000 côté américain. En 2005 une équipe japonaise découvre, enfoui dans le sol d’un des multiples sous-terrain de l’île, une quantité impressionnante de lettres très intimes écrites par des soldats nippons… Ce sont ces lettres qui ont inspiré Clint Eastwood et illustreront le récit. Parmi ces missives, celles du Général Kuribayashi sont particulièrement précieuses et touchantes… Elles brossent le portrait d’un homme généreux, loyal et courageux, entièrement dévoué à son pays et sa famille… Sans oublier les lettres des soldats Saigo et Shimizu, lesquelles confèrent enfin un visage humain à l’ennemi japonais.
Le Général Kuribayashi.
Il n’y a pas à tergiverser. Clint Eastwood est l’un des meilleurs réalisateurs au monde. Il nous l’avait déjà confirmé avec le somptueux “Flags of our fathers”, maîtrisé dans le moindre de ses plans avec notamment des scènes de batailles absolument inouïes. Le metteur en scène de 76 ans construit le deuxième volet de son dyptique sur des bases identiques mais porte l’ensemble à un degré de perfection formelle qu’on croyait impossible. Chaque plan est calculé de manière absolument exemplaire, tout est fait pour mettre en valeur les visages expressifs de ces guerriers nippons qui réussissent à nous émouvoir par leur sens du sacrifice et leur conception exacerbée de l’honneur. Mais aussi et surtout, l’on se rend compte qu’au-delà des caractéristiques éminemment culturelles, ces soldats ne sont que le reflet des soldats qu’ils sont amenés à combattre. Bien que la propagande impériale avait à l’époque bien fait son office en transformant de pauvres gens en illuminés nationalistes, les soldats japonais n’étaient pas des kamikaze prêt à mourir pour l’Empereur sans un soupçon de peur ou de tristesse. Sous chaque uniforme, il y a un coeur qui bat, qui brûle de retrouver sa femme, son fils, son chien ou son commerce. Chaque coeur aspire à la paix et à la concorde. A l’amour et à l’honneur. L’honneur… cette vertu sacrée héritée des magnifiques Samouraï et de leur code (”Bushidô”, ou “voie du guerrier”) qui poussera de nombreux combattants nippons à se donner la mort plutôt que de se livrer à l’ennemi. Non ce n’est pas “stupide” comme le pensent encore de nombreux occidentaux… Il s’agit plutôt d’un acte si profond, tellement ancré dans les moeurs et la mentalité de ce peuple qu’il serait irrespectueux de le juger sans même le comprendre.
Le soldat Saigo.
Le film, tourné entièrement en japonais (hormis les flashback de Kuribayashi, à l’époque de son voyage aux Etats-Unis, et de l’américain fait prisonnier par Nishi), est interprété de manière absolument magnifique par une brochette de parfaits inconnus. Des “gueules” sur lesquelles la caméra s’attarde avec affection et respect. On découvre le jeune boulanger Saigo, soldat malgré lui, pas très intéressé par la gloire de l’Empereur et qui ne souhaite qu’une seule chose : retrouver sa jeune femme et sa petite fille qu’il n’a pas encore vue. L’ancien officier de la police militaire Shimizu, rétrogradé et envoyé au front pour avoir désobéi à un ordre barbare. Le lieutenant Itô, incarnation vivante des dégâts de la propagande impériale dont l’aveuglement n’a d’égale que sa folie. Le lieutenant-colonel baron Nishi, homme élégant et droit, ancien champion olympique d’hippisme rompu à la culture américaine… à l’image du Général Tadamichi Kuribayashi qui, après un séjour de deux ans aux Etats-Unis à l’époque où il n’était que capitaine, connaît parfaitement l’ennemi qu’il s’apprête à affronter. Sans s’en réjouir, d’ailleurs, il ne trahira aucun regret et sa dévotion sincère à son pays force l’admiration et le respect. Considéré comme un lâche à la solde des américains par la majeure partie des officiers de l’île, la troupe l’adore… Pour son altruisme, son sens aigu du sacrifice, mais aussi pour son amour de la vie et du refus profond des morts inutiles. Incarné par Ken Watanabe, absolument magnifique dans la peau de cet homme cultivé, vertueux et plein de compassion, le Général Kuribayashi incarne le point focal du récit avec le soldat Saigo. Deux visages, deux facettes d’un même homme, d’un même pays, d’un même dilemme… Incarnations d’un sacrifice stupide au nom des ambitions démesurées d’une poignée de politiciens sans vergogne. Oui, c’est con la guerre… Oui, c’est abominable de voir une culture si vertueuse et si profonde être poussées dans des extrêmes avilissants par les pulsions meurtrières d’une poignée de bureaucrate.
Le baron lieutenant-colonel Nishi.
A l’instar de “Flags of our fathers”, on retrouve donc cette photographie très spécifique, vieux sépia magnifique qui parachève l’ambiance pour mieux y plonger le spectateur. Les images servent un scénario écrit par Paul Haggis, déjà auteur des scénarios de “Million Dolar baby” et “Crash” (”Collision”, qu’il réalisait également), un des auteurs les plus en vue d’Hollywood qui a réussi son pari : rendre bouleversants une poignée d’acteurs inconnus et donner, comme je le disais plus haut, un visage humain aux “horribles japonais”… Avec une objectivité exemplaire, sans gommer les zones d’ombres. Côté musical, Clint Eastwood a cette fois-ci laissé totalement sa place à son fils Kyle. On s’en souvient, les compositions minimalistes de Clint (un thème mélancolique décliné à l’envi) hantaient ses films précédents tels que “Mystic River”, “Million Dollar baby” et “Flags of our fathers”. Si ces compositions déchirantes ont servi à merveille les deux premiers films, Eastwood s’est fortement planté sur le dernier… Il n’était en effet pas parvenu à illustrer son film avec les musiques “puissantes” dont il avait besoin. Pas de thème prédominant, ou en tous cas pas marquant pour deux sous, un échec musical souligné de manière générale. Modeste, Eastwood aura sans doute tiré les leçons de cette déconvenue pour laisser la place à son fils. Pour obtenir… un thème mélancolique répété à l’envi. Il y a donc du mieux, même si ce n’est pas vraiment la panacée. J’aurais largement préféré entendre une BO “ethnique” comme celle qu’avait pu composer un Hans Zimmer pour “The Last Samurai” par exemple… Ce sera le seul regret que je nourrirais pour ce film, et c’est absolument secondaire, Kyle Eastwood étant à l’aise dans ce registre minimaliste. Ne comptez pas sur moi pour “enlever une étoile” à la note que je réserve à ce nouveau chef d’oeuvre d’Eastwood.
Le lieutenant Itô.
Après avoir remporté le Golden Globe du “Meilleur Film en Langue Etrangère”, le film est bien parti pour s’imposer aux Oscars avec 4 nominations dont 3 parmi les principales : Meilleur réalisateur, Meilleur Film, Meilleur scénario. Rendez-vous dans la nuit de dimanche à lundi pour les résultats. Martin Scorcese, jamais récompensé aux Oscars et qui voyait sa chance lui sourire enfin cette année avec son génial “The Departed”, a du soucis à se faire…
“(…) le résultat est, séquence par séquence, remarquable de précision, d’émotion et de force.” (Les Cahiers du Cinéma)
“(…) requiem élégiaque qui s’impose comme l’un des sommets de l’oeuvre déjà considérable d’Eastwood.” (Libération)
“Lettres d’Iwo Jima est un chant funèbre à la fois héroïque et intime, d’une poignante austérité.” (Le Figaroscope)
“(…) un des meilleurs films sur la seconde guerre mondiale, si ce n’est le meilleur (…)” (Brazil)
“(…) un film crépusculaire (…) le résultat est impressionnant.” (L’Humanité)
“L’unité de lieu, la photographie décolorée à la limite du noir et blanc, l’atrocité des combats, l’héroïsme pathétique des belligérants donnent à cet hommage (…) une grandeur saisissante.” (Paris Match)
“(…) une oeuvre touchante, qui ne fait pas insulte aux moeurs et aux valeurs du pays qu’il met en scène.” (aVoir-aLire.com)
“(…) Bouleversant film de guerre - l’un des plus forts depuis longtemps (…).” (Les Inrockuptibles)
“Le résultat est saisissant. (…) Ce film-hommage à la mise en scène somptueuse résonne comme la meilleure dénonciation de la folie guerrière.” (Télé 7 Jours)
“Baignés dans une lumière blanche, les combats spectaculaires font contrepoids aux scènes intimistes, d’une intense sobriété.” (Métro)
Quelques liens historiques :
- Biographie du Général Tadamichi Kuribayashi
- Biographie de Takeichi “Baron” Nishi